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| Sujet: Le morse volant, aventure improbable. Mer 4 Sep 2013 - 22:19 | |
| J'ai fait ce rêve il y a quelques temps déjà, mais il ne cesse de m'interpeler et de m'amuser beaucoup quand j'y repense. Sans queue ni tête, mais cependant poursuivant sa logique jusqu'au bout. N'ayez pas peur de la longueur, j'ai essayé de faire en sorte que ce soit lisible. Vos retours m'intéressent beaucoup. - Le morse volant:
Quand mon rêve a débuté, je me rendais dans une galerie commerciale allemande. Je venais y acheter des livres de médecine, allez savoir pourquoi. Il y avait du monde autour de moi, et je marchais en m'appuyant sur une broche de barbecue comme sur une canne. J'avais une allure assez remarquable de ce fait, et un couple de petits vieux allemands en profitait pour me jeter un regard en coin et ricaner alors que l'escalator montait lentement vers les étages supérieurs. Je savais que la librairie spécialisée était au dernier étage, et je prenais donc mon mal en patience, un peu vexé tout de même par les deux ancêtres hilares. Alors que j'arrivais au troisième étage, je remarquais parmi les clients un visage familier, une de mes connaissances allemande. Je m'arrêtais donc à cette étage, et lui fit signe. Il me remarqua et se dirigea vers moi, un peu surpris de me voir mais néanmoins fort aimable. Nous discutâmes en vitesse de ce qui nous amenait ici, et il me tira soudain par le bras, comme se souvenant de quelque chose. Je décidai de laisser ma broche de barbecue contre l'escalator et le suivit. En marchant, il m'informa qu'un petit théâtre francophone était installé sur ce troisième étage, et que c'eut été trop donc trop bête que je ne vinsse pas pour en profiter, et que ce qu'il en avait vu lui avait semblé excellent, bien qu'il n'eut pas compris un mot.
Alors que nous nous rapprochions, je remarquai quelques rangs de chaises devant une scène pour le moins surprenante. En effet, elle était spacieuse et large, mais surtout, elle présentait une gigantesque cage, dont le sol était tapissé de paille sèche. Dans la cage évoluaient des gens vêtus de blanc, portant casquette, et dont les habits rappelaient ceux de prisonniers. La cage était coupée en deux petits étages reliés par une échelle, avec à gauche une espèce de grotte en carton. Le public, exclusivement allemand, avait l'air de bien s'amuser de la prestation, bien qu'elle fut en Français. J'entendais quelques gens demander la venue du Walross. Je ne comprenais pas bien où il voulaient en venir.
Toujours est-il que je pris une chaise, et m'assis. A ce moment, un des acteurs dans la cage s'approcha des barreaux et commença a parler dans un micro, dans un français avec un léger accent allemand. Les projecteurs jaunes l'éclairaient, tandis que le reste de la cage devenait plus sombre. Il dit que sa troupe était ravie de se trouver là ce soir, et qu'ils appréciaient beaucoup la présence d'un si nombreux public (nous étions une petite trentaine assis). Ce qu'il dit par la suite était nettement plus stupéfiant: il était un criminel de guerre nazi. Tout comme il nous dit que tous les membres de sa troupe étaient aussi criminels de guerre, et que la seule distraction qui leur était autorisée, était de participer à ce petit théâtre, dans une langue qui ne serait pas comprise des locaux. Et il nous dit ensuite que, comme à chaque fois, l'un d'entre eux allait raconter son histoire, et dévoiler ce qui l'avait conduit à cette triste prison à faire du théâtre pour ne pas être entendu.
La lumière revint sur la cage, et, ô stupeur, au premier étage se tenait une grande et grosse chose brune, difforme, l'air vieux et fatigué: un morse. L'imposant animal se traina avec lenteur et descendit l'échelle, sous le regard captivé et amusé des allemands et le mien. Il lui manquait une défense.
Il s'approcha d'un micro sur pied placé à sa hauteur, et se mit à parler d'une belle voix basse et grave, une voix de jazzman noir. La salle fut instantanément silencieuse, et toutes les lumières se tamisèrent pour n'éclairer que le gros morse. Il nous dit:
- Je vais vous dire comment moi, le morse, suis arrivé là, parmi cette troupe de trouble-fête et de coupe-gorges. Contrairement à eux, et quoi qu'ils aient pu vous dire, je ne suis pas mauvais, pas comme eux. Je n'ai simplement pas eu de chance...
Et mon rêve bascula dans les souvenirs du vieux morse, alors qu'il nous contait son histoire de sa voix profonde. Au début, je ne remarquai que le bruit. Un rugissement puissant et continu, presque assourdissant. Puis, peu à peu, un léger vertige m'assaillit alors que je distinguais ce qui m'entourait: j'étais juché, moi, le morse, sur l'aile armée d'un gros hélicoptère de combat, volant à toute vitesse au dessus d'une ville attaquée, dans un concert de bruits de rotors et d'armes à feu. Je portais pourtant un casque à oreillettes, dans lequel, malgré le chaos ambiant, j'entendis un message. C'était l'artilleur de l'hélicoptère, placé dans une nacelle sous l'aile, qui me demandait de réorienter le canon pour qu'il puisse détruire les cibles. Car c'était ça mon rôle: en équilibre sur l'hélicoptère, je devais bouger manuellement le canon en bout d'aile pour que l'artilleur puisse faire feu sur les immeubles, vu qu'il avait été coincé lors d'un impact.
Bien que le canon ne tirât que des bulles de savon à grande cadence, celles-ci causaient autant de dégâts qu'une véritable mitrailleuse lourde; aussi, dès que je réorientais la lourde arme, le recul me faisait sauter en tous sens, menaçant sans cesse de me faire tomber. Je tentais donc de placer mes nageoires dans une ligne aérodynamique du fuselage pour éviter de glisser. Dans l'oreillette, l'artilleur me donnait sans cesse de nouveaux angles de tir, pour toucher tel ou tel bâtiment, qui s'effondrait dès que les bulles de savon l'atteignaient. Nous continuâmes encore quelques minutes cette canonnade, avant d'arriver en vue de la zone industrielle. Soudain, un tir de roquette atteint l'arrière de l'hélicoptère, ne le détruisant pas, mais le propulsant dans une trajectoire chaotique à grande vitesse. Horrifié, je me cramponnais de toutes mes forces au canon, qui ploya sous ma masse de morse, et continua de tirer, vers les rues cette fois, fauchant de nombreux civils innocents sous son déluge de bulles de savon. Alors que je nous croyais perdus et condamnés au crash, le pilote réussit un rétablissement in extremis et regagna de l'altitude, fonçant toujours entre les constructions industrielles, évitant de peu pipelines et grues. Autour de moi, tout était flou à cause de la vitesse. Le casque se mit à grésiller, et l'artilleur hurla "DEVANT!!!". Je regardais alors devant moi, et vit une gigantesque centrale de production de pétrole et de carburant, peinte en rouge vif. Je n'avais pas besoin de voir le signe "explosif" pour savoir ce que cela signifiait. Je n'avais que quelques secondes pour rediriger le canon, avant que nous atteignissions la centrale, et que la ville entière n'explose dans un déluge de flammes.
Mais le canon ne bougeait pas, bel et bien coincé. Je me jetais en avant, usant de toutes mes forces pour le faire plier, alors que l'artilleur, juché sur la nacelle, tentait de m'aider. Le flot de bulles ne cessait pas, rasant les bâtiments, à quelques dizaines de mètre à peine des murs rouges. Dans un ultime effort, je prit appui sur le fuselage et me propulsait de toute ma masse sur le canon, qui céda, me brisant une défense sous le choc. Puis, ce fut la chute. Rapide, et brutale. Je m'écrasais dans un tas de débris métallique d'une fonderie, et tout devint flou, la douleur irradiant de ma défense blessée. Quand ma vision redevint à peu près normale, j'étais entouré de soldats à la mine patibulaire, armés jusqu'au dents, en habits civils. Et je fus fait prisonnier.
Ma vue quitta alors les souvenirs du morse et je revins à ma chaise dans le théâtre improvisé. Il parlait toujours, lentement, l'air un peu triste. Il nous raconta comment son procès avait été bâclé, comment les soldats de la milice populaire l'avaient rendu responsable de la mort des civils lors de l'attaque d'hélicoptère, quand il avait été touché par une roquette et avait perdu le contrôle. Il nous raconta comment le jury avait cependant eu pitié de lui, presque infirme depuis la chute, incapable de vivre une vie normale, et avait commué sa peine de mort en perpétuité aménagée.
Bien que les allemands n'eussent rien compris à l'histoire contée par le morse (ils avaient l'air très amusés, alors que le morse gardait un petit air tragique et triste qui éveillait ma pitié), la salle avait l'air plus que satisfaite du divertissement. Je me levais, un peu circonspect, et partis chercher ma broche de barbecue pour monter acheter mes livres de médecine.
Après d'autres aventures semblables, je me réveillais enfin.
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